DUERP : quand le mettre à jour, et depuis quand est-il obligatoire ?

Le Document unique d’évaluation des risques professionnels (DUERP) est la pierre angulaire de la prévention en entreprise. Il sert à identifier, hiérarchiser et traiter les risques auxquels sont exposés les salariés, et à piloter un plan d’actions concret. Contrairement à une idée répandue, le DUERP n’est pas un classeur qui dort sur une étagère : c’est un document « vivant », qui doit évoluer au rythme de l’activité, des projets et des retours d’expérience. Comprendre quand la mise à jour devient obligatoire, et depuis quand cette obligation existe, permet d’éviter les angles morts juridiques tout en gagnant en efficacité opérationnelle.
Depuis quand le document unique est-il obligatoire ?
Le DUERP est obligatoire en France depuis le 5 novembre 2001, date du décret n°2001-1016. Ce texte a transposé en droit français la directive européenne 89/391/CEE en imposant à tout employeur d’au moins un salarié de « transcrire et mettre à jour les résultats de l’évaluation des risques ». Concrètement, qu’il s’agisse d’une TPE, d’une PME, d’une association ou d’une entité publique, la présence d’un seul salarié suffit à déclencher l’obligation. Le Code du travail (articles R.4121-1 à R.4121-4) en précise le périmètre : contenu attendu, modalités de mise à disposition, fréquence et circonstances de mise à jour.
Au fil du temps, la loi « Santé au travail » du 2 août 2021 est venue renforcer le dispositif, sans changer le principe fondateur. Elle a surtout amélioré la traçabilité : conservation longue durée des versions, transmission au Service de prévention et de santé au travail (SPST), et déploiement d’un dépôt dématérialisé. Mais l’exigence initiale demeure : évaluer, formaliser, tenir à jour.
Quand la mise à jour du DUERP est-elle obligatoire ?
Trois déclencheurs encadrent l’actualisation du DUERP. Le premier est temporel, les deux autres sont événementiels.
Le déclencheur temporel concerne les entreprises d’au moins onze salariés : une mise à jour au moins annuelle est imposée. Même si aucune évolution majeure n’est intervenue, l’employeur doit — une fois par an — relire l’évaluation, vérifier la pertinence des cotations, ajuster la hiérarchisation des priorités et remettre à jour le plan d’actions. Cette revue peut conclure qu’aucun changement n’est nécessaire, mais elle doit être formalisée, datée et archivée.
Le premier déclencheur événementiel est la « décision d’aménagement important ». La notion est volontairement large. Un déménagement d’atelier, l’introduction d’une nouvelle machine, une réorganisation des horaires, la mise en place du travail de nuit, un agrandissement de locaux, la co-activité avec des entreprises extérieures ou encore la refonte d’un processus peuvent modifier l’exposition aux risques. Dès qu’un projet est susceptible d’influer sur la santé, la sécurité ou les conditions de travail, l’employeur doit réviser le DUERP pour intégrer l’analyse des dangers, anticiper les effets du changement et prévoir les mesures de prévention « dès la conception ».
Le second déclencheur événementiel tient à l’« information nouvelle ». Le texte vise tout élément qui apporte un éclairage utile sur un risque : un accident du travail ou un presqu’accident qui révèle une barrière de sécurité défaillante, un retour d’expérience interne, un avis du SPST, une alerte du fabricant sur un équipement, l’abaissement d’une valeur limite d’exposition, l’arrivée de nouveaux publics (apprentis, intérimaires, travailleurs de nuit), ou l’évolution de la charge et des cadences. Lorsque ces signaux apparaissent, la mise à jour n’est pas optionnelle : elle s’impose pour garder l’évaluation fidèle au réel.
Et pour les entreprises de moins de 11 salariés ?
Les TPE ne sont pas dispensées de l’obligation de tenir un DUERP à jour ; elles sont seulement exemptées de la fréquence annuelle automatique. Autrement dit, l’employeur de moins de onze salariés met à jour son document à chaque aménagement important et dès réception d’une information nouvelle pertinente. Dans la pratique, beaucoup de petites structures gagnent pourtant à instaurer une mini-revue périodique (par exemple semestrielle) : en TPE, les évolutions d’activité, de marché ou d’organisation sont fréquentes et parfois rapides. Une revue ritualisée, même légère, évite d’accumuler du retard.
Comment conduire une mise à jour utile (et pas seulement conforme) ?
Une mise à jour efficace commence par un cadrage des unités de travail. L’objectif n’est pas de multiplier les fiches, mais de découper l’activité de façon suffisamment fine pour capter les spécificités d’exposition : zones, familles de postes, équipes, situations particulières (maintenance, nettoyage, essais, interventions sur site client). Ce cadrage sert de colonne vertébrale pour inventorier les dangers, reprendre les scénarios d’exposition et vérifier la pertinence des cotations « probabilité × gravité », complétées d’un niveau de maîtrise réellement observé sur le terrain.
Vient ensuite la hiérarchisation. Les priorités doivent refléter la prévention primaire : agir d’abord à la source (suppression du danger, substitution, conception), puis renforcer la protection collective (capotages, aspiration, garde-corps, enclenchements), enfin compléter par l’organisation, les procédures, la formation et les équipements de protection individuelle. La révision est le bon moment pour questionner l’efficacité réelle des mesures existantes : sont-elles connues, appliquées, auditées ? Les incidents récents les contredisent-ils ? Faut-il simplifier, automatiser, standardiser ?
Le plan d’actions actualisé doit être pilotable : un responsable identifié, une échéance crédible, un statut, un indicateur simple de résultat (par exemple le nombre de situations dangereuses traitées, une mesure d’empoussièrement, un taux de conformité, un audit de consignation réussi). L’important n’est pas d’empiler des tâches, mais de garantir un flux d’actions qui ferment effectivement les risques majeurs.
Rôle du CSE et articulation avec la stratégie de prévention
Dans les entreprises dotées d’un CSE, la mise à jour du DUERP n’est pas un exercice solitaire. Les représentants du personnel, et le cas échéant la commission SSCT, sont associés au fil de l’eau. Le document sert de base à un programme de prévention discuté, priorisé et suivi. Ce dialogue social est précieux pour repérer les situations de travail réelles, détecter les effets collatéraux de certaines décisions (changement d’outils, réorganisation) et ajuster les mesures au quotidien. Même en dessous des seuils, impliquer le terrain et formaliser des échanges avec le SPST (médecin du travail, IPRP, infirmier, assistant social, ergonomes) apporte un regard complémentaire utile à la décision.
Nouvelles exigences issues de la loi « Santé au travail »
La réforme de 2021 a introduit trois évolutions structurantes. D’abord, la conservation des versions du DUERP pendant quarante ans : on parle bien de toutes les versions, afin d’assurer une mémoire des expositions utile à la prévention des atteintes différées et aux parcours professionnels longs. Ensuite, la transmission systématique de chaque mise à jour au SPST, ce qui renforce le rôle de l’équipe pluridisciplinaire et fluidifie la circulation des informations. Enfin, la montée en puissance d’un dépôt dématérialisé national, destiné à sécuriser l’archivage et l’accès dans le temps. Pour l’employeur, cela implique d’organiser le versionning, de documenter les dates et de conserver les éléments d’appui (évaluations, mesures, rapports, audits, comptes rendus de réunions).
Sanctions et risques en cas de manquement
L’absence de DUERP ou son défaut de mise à jour expose l’employeur à des sanctions contraventionnelles. Au-delà des montants, c’est surtout la responsabilité qui est en jeu : un document obsolète fragilise la défense en cas d’accident grave et peut nourrir la reconnaissance d’une faute inexcusable. Inversement, un DUERP tenu à jour, cohérent avec les observations de terrain et relié à un plan d’actions suivi, constitue un atout probant : il montre que l’entreprise agit, mesure, corrige et améliore.
Exemples concrets de déclenchement
Imaginez un atelier de montage qui réorganise ses lignes pour augmenter la cadence. Les postes sont rapprochés, les flux de chariots modifiés et une nouvelle visseuse est introduite. Avant même la mise en service, l’entreprise doit réviser le DUERP : circulation, manutention, bruit, risques mécaniques, postures, co-activité… Les mesures de prévention (balisage, sens de circulation, barrières physiques, consignes de vitesse, formation au nouvel outil, test acoustique) sont arrêtées en amont et intégrées au plan.
Autre situation : un service client bascule sur un nouvel ERP. Les tâches de saisie changent, l’attention visuelle est plus intense, les pics d’appels se concentrent à certains horaires. La mise à jour doit intégrer les risques associés au travail sur écran, l’organisation de la charge, les risques psychosociaux (autonomie, marges de manœuvre, soutien, conflits de valeurs). Les mesures pourront porter sur l’ergonomie des postes, les temps de récupération, l’outillage pour réduire la répétitivité, le support de proximité en cas d’incident informatique.
Dernier exemple : un presqu’accident met en évidence l’oubli d’une consignation lors d’une intervention de maintenance. Même sans blessure, l’événement constitue une information nouvelle. La révision du DUERP permettra d’objectiver la situation : adéquation du mode opératoire, disponibilité du matériel de consignation, contrôle croisé, formation, audits à blanc, analyse des causes profondes. On ne se contente pas d’ajouter une ligne : on ferme la boucle d’apprentissage.
Méthode et calendrier : organiser la régularité
Dans les structures d’au moins onze salariés, l’annualité se planifie. Beaucoup d’entreprises choisissent un jalon récurrent : revue au quatrième trimestre pour intégrer les priorités au budget de l’année suivante ; ou revue au premier trimestre pour consolider les indicateurs de l’année écoulée et affecter les moyens. L’essentiel est de caler un tempo réaliste : collecte des retours terrain, visites ciblées, échanges avec le SPST, séance de hiérarchisation avec les managers, mise à jour formelle, puis communication interne et mise à disposition.
Dans les TPE, l’approche gagnante est simple et frugale. Une trame claire par unité de travail, une page de « constats récents », un registre des signaux faibles (quasi-accidents, idées d’amélioration, anomalies) et une courte réunion périodique pour vérifier si l’un de ces éléments doit déclencher une mise à jour. Chaque fois qu’un changement se prépare, un réflexe : « avons-nous revisité le DUERP avant de décider ? ». Cette question évite les mauvaises surprises et aligne sécurité, qualité et performance.
Accès, traçabilité et preuves
La conformité se joue aussi dans la capacité à montrer ce qui a été fait. Le DUERP doit être daté, versionné et accessible : salariés, CSE, SPST et inspection du travail doivent pouvoir le consulter selon les modalités prévues. Les pièces d’appui sont utiles en cas de contrôle : rapports de mesures, comptes rendus de visites, feuilles de pointage formation, preuves d’essais, photos avant/après. Ce n’est pas du formalisme : c’est la mémoire technique de la prévention, précieuse pour comprendre, décider et capitaliser.
Questions fréquentes, réponses rapides
Le document est-il obligatoire pour une micro-entreprise avec un seul salarié ? Oui, dès le premier salarié, l’employeur doit élaborer un DUERP et le tenir à jour selon les déclencheurs réglementaires. Faut-il mettre à jour après un presqu’accident ? Si l’événement révèle une information nouvelle sur un risque, la réponse est oui ; mieux vaut traiter chaque signal faible comme un apprentissage structurant. Peut-on se contenter d’un modèle générique ? Non : une trame aide à structurer, mais l’évaluation doit coller à vos postes, vos expositions et vos mesures réelles. La revue annuelle est-elle exigée même si rien n’a changé ? Pour les entreprises d’au moins onze salariés, oui ; la conclusion peut être « inchangé », mais elle doit être formalisée.
En résumé
Obligatoire depuis le 5 novembre 2001, le DUERP doit être mis à jour au moins une fois par an dans les entreprises d’au moins onze salariés, à chaque aménagement important et dès qu’une information nouvelle éclaire un risque. Les évolutions de 2021 renforcent la traçabilité (conservation quarante ans, transmission au SPST, dépôt dématérialisé). Tenir le DUERP vivant n’est pas seulement se conformer : c’est éviter les incidents, fiabiliser l’organisation et gagner du temps au quotidien.
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